L’Agriculture

1910BlachereMoissoneuseIl y avait 151 agriculteurs en 1941 à Lapalud, aujoud’hui il n’en reste qu’une petite dizaine.

Jusque dans les années 60/70, Lapalud était un village agricole. Les paysans pratiquaient la polyculture. La plupart habitait le village et dans chaque maison il y avait des chevaux, des charrettes et on allait travailler les terres en campagne.

Ils produisaient en petites quantités : pour vivre et le surplus était utilisé pour l’investissement, l’achat du matériel.

L’évolution de la vie, le fait que l’agriculture rapporte peu, la construction du canal « Donzère Mondragon » et ensuite la venue d’Eurodif ont entraîné le déclin de l’agriculture sur Lapalud. Dans les années 70/75 certains ont changé d’orientation, d’autres ont arrêté car ils étaient âgés et personne n’a pris leur relève.

Le paysage agricole lapalutien

1949LouisAutrandMilletVoici une description datant de 1931 : « De Pont Saint Esprit à Bollène, c’est une plaine verdoyante qui étale en damier ses pièces de luzerne, de betteraves, de millet à balai, de blé. Partout des lignes d’arbres signalent la présence de canaux de drainage ou d’irrigation. Les champs sont plantés de mûriers, les fermes se cachent dans un bouquet d’arbres où pointent cyprès et peupliers. »

Il y avait deux parties assez distinctes :

  • Celle située à l’est du village arrosée par le canal de Pierrelatte et ses canaux de dérivation : les fioles
  • Celle à l’ouest qui était peu irriguée : la plaine du Rhône.

Les parcelles étaient délimitées par des fossés et des haies (cyprès, mûriers, peupliers…).

Les récoltes étaient protégées du vent par des cannisses, des palissades en cannes de Provence, ces roseaux que l’on allait couper dans les canniers au bord du Rhône et que l’on débarrassait de ses feuilles avant de les attacher pour en faire des abris.

A l’est :

MirabelOn y cultivait des plantes maraîchères.

  • Les chemins des aubépines et des frères Marseille n’étaient pas goudronnés. Ce n’étaient que des chemins de terre menant à des jardins.
  • Au Grès, il y avait des jardins et les récoltes étaient précoces.
  • A l’Est de la gare, les terres étaient argileuses, c’étaient des près, on coupait au mois de juin mais on ne savait pas toujours où s’arrêtaient les parcelles, quelquefois on fauchait chez le voisin !

Certaines terres, éloignées des canaux comme aux Contrats, n’étaient pas irriguées. Elles étaient travaillées, retournées. Elles craignaient ainsi moins la sécheresse car la terre souple et aérée permet à l’humidité de remonter la nuit.

A l’ouest :

BoisselDans la plaine du Rhône, la terre est limoneuse, il y avait surtout de grandes parcelles où l’on cultivait du millet à balai… Il y avait des prés autour des gours car les terres étaient inondées une partie de l’hiver.

La plaine du Rhône était peu arrosée. Grâce au canal des Barrinques on arrosait par inondation les jardins. Actuellement la plaine du Rhône est arrosée par aspersion.

  • Les terres des Frémigières étaient les meilleures, elles étaient souples et on y a apporté beaucoup de fumier de cheval.
  • Les terres de Malijac étaient souvent incultes jusqu’en avril car elles étaient spongieuses.

La construction du canal a modifié la campagne

1940GirardonxBatteuse
Avant la construction du canal beaucoup de terres étaient inondées 6 mois de l’année en hiver (les prés après la gare, les Contrats…). Mais les travaux du canal Donzère-Mondragon qui ont débuté dans les années 1947 pour se terminer en 1952 ont modifié ce paysage.

En effet, l’eau du Rhône a été déviée afin de faciliter la navigation et l’aménagement de la chute de Donzère-Mondragon a généré une production hydro-électrique considérable et facilité la navigation. Cependant l’assèchement des sols dû à la construction du canal a entraîné de grandes modifications dans les cultures.

Le canal a fait baisser la nappe phréatique et des terres marécageuses se sont asséchées et sont devenues bonnes à cultiver comme celles du Grand Malijac.

Ainsi les prairies naturelles ont disparu de même que la luzerne et le mil à balais quelques années plus tard, pour donner place aux cultures céréalières et arboricoles.

A partir de cette époque le terroir lapalutien a connu plusieurs périodes de sécheresse. Les exploitants du canal sont passés dans les fermes creuser des forages et les agriculteurs ont pu mettre des pompes.

Les cultures anciennes

19660818Soulavie
D’anciennes cultures ont fait la prospérité du village puis elles ont disparu.
La garance fut cultivée pour la teinture rouge extraite de ses racines. On travaillait la garance dans l’usine située entre le Béal et l’actuelle nationale 7 (utilisée ensuite par la fabrique des balais Gilles). Mais la découverte de la synthèse chimique de l’alizarine en 1869 va amener la disparition de cette culture.

La culture du tabac au XVII ème siècle était très importante. La vente du tabac dans le Comtat était autorisée. Par contre, en France elle donnait lieu à la perception de taxes élevées. Cette situation, favorable à Lapalud de par sa position géographique, a été à l’origine d’un important trafic de contrebande.

La vigne : en 1740, à Lapalud la production de la vigne se caractérisait par un éparpillement considérable et par une énorme disproportion entre les propriétaires des grands domaines (42 346 m2 ) et les minuscules propriétés (291 m2) des plus pauvres. La production vinicole était essentiellement destinée à la consommation courante, mais il arrivait que les excédents soient vendus aux cabaretiers.

Les principales cultures lapalutiennes au XXème siècle

BlachereTracteuA Lapalud, on pratiquait la polyculture et les cultures ont évolué au cours des années. Elles s’échelonnaient de mars à octobre. Quand le Rhône venait, il emportait le travail de toute une année et les aides pour calamités naturelles n’existaient pas !

Le millet à balai fut la récolte principale après guerre jusqu’à la fin des années 60, on le cultivait sur les terres basses car il fallait de l’humidité. Elle a dû être abandonnée à cause de l’importation en France d’une plante : le piassava qui donna les balais et les brosses noires.

La betterave sucrière fut cultivée de 1935 à 1952 pour l’usine sucrière d’Orange, les agriculteurs étaient sous contrat avec la Sucrerie. Il arrivait fréquemment qu’il y ait des queues de plusieurs centaines de mètres sur l’avenue de la gare car les chevaux devaient patienter avant de faire peser leur chargement qui partait en train.

Les cultures céréalières

Le blé : Il était semé à la main jusqu’en 1940. Il était récolté à la moissonneuse-lieuse qui faisait les gerbes. Ensuite il était mis en tas dans les champs (gerbiers) où il restait dix à quinze jours. Il était ensuite transporté avec les charrettes sur l’aire de la ferme où il était mis en meule (gerbières) en attendant que la batteuse passe pour le battre.

Le tournesol : Avant la mécanisation, quand les têtes étaient sèches, on les ramassait, on les tapait avec un bâton pour faire tomber les graines que l’on portait à la coopérative pour avoir l’huile de l’année. La coopérative donnait aussi la « grappe », les grains abîmés ou trop petits pour nourrir les petits poulets.

Le maïs hybride (vers 1960) : était plus rustique et ne demandait pas d’arrosage.

L’orge : pour les chevaux.
Les légumes secs : les haricots coco, les pois chiche, les lentilles… Une fois secs, on les mettait sur une bâche posée au sol. Le cheval tirait le rouleau de pierre pour les fouler puis on les ventait dans le tarare pour séparer le grain de la cosse.

Le riz : dans les années 56 certains s’y sont essayés mais cela n’a pas bien marché. Ils avaient creusé des grands fossés et ils inondaient les terres.

Les prés : A l’est de la voie de chemin de fer il y avait des prés. Le fourrage était destiné aux chevaux.

La luzerne : elle était cultivée pour nourrir les chevaux et pour la graine. Dans chaque ferme il y avait des finières où on entassait la luzerne.

Les cultures maraîchères

Les haricots verts : les frères Chalan, Maurice, Simon et Louis étaient surnommés les Rois des haricots : « Li rei di faiou ». Ils ont commencé à faire des haricots Phénix pendant la guerre. Quand ils n’avaient pas le temps de tout cueillir, ils laissaient sécher les plantes qui étaient ensuite foulées sur une aire bétonnée par un cheval tirant le rouleau. La culture a été à son apogée dans les années 62, ils employaient alors 30 à 35 personnes. Après 1964, les haricots se sont moins bien vendus.

Les melons : quand c’était la récolte des melons, les agriculteurs patientaient sur une queue d’environ 1 km Chemin des Muraillettes pour aller les porter chez M. Frichet, expéditeur.

Les tomates pour les conserveries : il y avait de nombreuses conserveries dans la région : Jonquières, Camaret (le Cabanon), Sarrians (Grosjean) et différents expéditeurs suivant la conserverie avec laquelle on avait passé un contrat :

  • M. Frichet pour la conserverie Bernard de Peyrolles en Provence.
  • Le papa de Maurice et Alex Girardon pour Bretagne Provence
  • Fernand Morel pour « le Cabanon » qui a été remplacé par M. et Mme Beaumet.

1957 a été la grande année de la tomate, elle s’est vendue jusqu’à 20 F le kilo.

Les arbres fruitiers Au départ c’était juste pour la production familiale. Puis M. Hugouvieux et Bony Bertin se sont lancés la culture des arbres fruitiers dans les années 60 dans la plaine du Rhône : pêchers, cerisiers, abricotiers, pommiers (en 1955/1957)….

En attendant que les arbres donnent des fruits, des pommes de terre ont été plantées entre les rangées (l’interculture) Les fruits étaient acheminés à Rungis par camions grâce à l’intermédiaire d’un expéditeur : M. Omer-Decugis. M. Frichet a ensuite pris le relais et les fruits ont été expédiés à la coopérative fruitière d’Orange.

La production fruitière à Lapalud a chuté à partir de 1962 lorsque les Pieds-noirs sont venus en France, ils connaissaient bien cette culture, ils avaient les moyens financiers, ils l’ont industrialisée et en ont pris le monopole.

Le matériel agricole et les travaux agricoles

1940SimoneChaixEn une génération il y a eu une évolution intelligente qui a grandement facilité la vie des agriculteurs. Avec l’arrivée des tracteurs on a pu mieux travailler les terres et cela a changé la donne.
Les agriculteurs ont commencé à s’équiper en tracteurs dans les années 50 mais sont restés sceptiques, trouvant que le travail était mieux fait à la main et ils ne s’en servaient au début que pour les gros travaux comme les labours et quelquefois pour griffonner.
Les premiers tracteurs ont été souvent achetés d’occasion. Ils avaient des roues en fer, des roues à crampons, ils n’avaient pas la direction assistée, ils démarraient à l’essence puis continuaient au pétrole. Pour aller sur la route, on mettait des bandages sur les roues à crampons pour ne pas les abîmer.
Les prisonniers de guerre ont été dans les premiers à avoir des tracteurs. Ils les ont eus à des prix adaptés dans les années 48. Puis grâce au plan Marshall pour faciliter le redressement économique de la France, les agriculteurs ont pu acheter des tracteurs américains : des Mac Cormick, des Case.

L’élevage à Lapalud

CochonLatour
Les cochons : On en élevait un à deux par famille. Ceux qui habitaient dans le village les élevaient dans leur cour. On les prenait au printemps et on les nourrissait bien pour les faire grossir avec des épluchures, des pommes de terre…En général on en tuait un au début de l’hiver, en décembre, vers la Noël et l’autre à la fin de l’hiver.

Les poules, les oeufs, les lapins étaient vendues à M. Breyton (On transportait les poules vivantes dans un sac et elles étaient tuées rue des Orfèvres où était installé son abattoir)

Les vaches : certaines familles avaient une vache pour le lait et la fabrication des fromages (tommes…) Léon Pascal avait un troupeau plus conséquent et sa production de lait était vendue chez M. Lert (à l’emplacement de la pharmacie) et quand il a fermé par les enfants Pascal qui faisaient du porte à porte.

Les chevaux : dans chaque ferme il y avait un ou deux chevaux. Même les agriculteurs qui n’avaient pas de fermes en campagne et qui habitaient dans le village avaient des chevaux dans leur écurie. Avec la mécanisation, les gens n’ont gardé les chevaux que pour travailler dans les vignes. C’est Marius Latour, maquignon qui allait acheter des poulains en Normandie, chez un courtier puis il les dressait et les revendait aux agriculteurs

Les chèvres : certains agriculteurs avaient deux trois chèvres pour pouvoir faire du fromage.

Les moutons : il y avait quelques troupeaux. Dans les années 50, il y avait environ 600 brebis élevées pour la laine et les agneaux. Le plus important était celui de Rémi Laurent qui partait en transhumance pour deux mois dans les montagnes de Glandas. Le reste du temps il allait paître au nord du village, dans les bois des Cantarelles, à Kerchêne.

La vie dans les fermes

MorelLa vie différait de ferme en ferme en fonction des cultures, de l’élevage. Plusieurs générations vivaient sous le même toit, il pouvait y avoir jusqu’à quatre générations : la grand-mère gardait les petits enfants, tricotait, préparait le repas. Jusque dans les années 50, on vivait en autarcie.

Dans chaque ferme on cultivait un jardin pour la consommation personnelle.

On mangeait les légumes de saison. On élevait aussi des animaux de basse-cour pour les besoins de la famille : poules, canards, lapins… On n’allait pas souvent chez le boucher.

Avant les années 60, on donnait au boulanger un tant de blé et on avait en retour un tant de pain. On lui apportait à peu près 500 kg de blé (pour l’année), il le faisait moudre, panifier chez le minotier, M. Reynaud, avenue de la gare, puis il faisait son pain. Ensuite tout au long de l’année, on passait prendre son pain chez le boulanger qui notait sur un carnet la quantité de pain prise à l’aide d’un code constitué de barres et cela correspondait au dû de pain par rapport à la quantité de blé donnée.

Les femmes faisaient deux journées par jour, une avec leur mari dans les champs et l’autre à la maison. Le matin avant de partir travailler, elles mettaient la soupe sur le poêle et à midi, elle était prête.

Les femmes vendaient leur surplus de poules, lapins, oufs aux marchés de Lapalud, de Pont, de Bollène. Avec l’argent de leur vente, elles achetaient de la farine, de l’huile, du sucre…et s’il restait de l’argent elles le gardaient pour pouvoir s’offrir une fantaisie.

Entre voisins on se recevait tous les dimanches, on jouait à la belote, on faisait des parties de pétanque. C’était « la fiesta » dans bon nombre de fermes, le dimanche !

L’arrivée de la TSF et de la télévision fut un grand évènement. Les gens n’en revenaient pas que des personnes puissent parler dans une petite boîte. On venait veiller autour de la TSF ou de la télévision : « 36 chandelles », « la Piste aux Etoiles » mais cela a été la fin d’une certaine convivialité.