Le château Kerchêne

Une ferme propriété des papes

Le chateau de Kerchêne

Lapalud fut au temps de la Papauté en Avignon (entre 1309-1378 et 1378-1418), puis jusqu’au XVlème siècle «résidence de campagne» des Cardinaux, d’où la Maison dite «Cardinale».


Il y a d’ailleurs de fortes présomptions pour que la propriété qui deviendra Kerchène, moins souvent inondée que les autres quartiers, ait été propriété de la Papauté. Il y avait là un grand bois (une forêt… ?) de chênes déjà vigoureux puisque «Le» Chêne de Kerchène , lorsqu’il fut abattu en 2004, victime de son envergure et de son âge, était manifestement plus que tricentenaire.

Le château construit par Louis Joseph Victor Jullien, général de Bonaparte puis préfet.

Le château vu du parc en 1936

Prés de l’église, au Portalet, sur les ruines d’un vieux manoir des Hospitaliers, une grande maison bourgeoise entourée d’un peu de terrain et appelée pompeusement le «Château» fut construite par la famille «Jullien de Bidon». Louis Joseph Victor De Jullien, fils aîné d’une fratrie de 12 enfants, condisciple de Napoléon au lycée militaire de Brienne, puis général de Napoléon Bonaparte y résida avec sa famille.


De retour d’Egypte, il fut nommé préfet du Morbihan en récompense de ses bons et loyaux services par Napoléon. Son seul traitement annuel de préfet atteignit 50 000 francs dans les dernières années de l’Empire. Ces revenus considérables lui permirent, au fil des ans, d’accumuler une belle fortune. Pour employer ses capitaux, il hasarda quelques placements plus ou moins avantageux, dans le Morbihan, mais surtout, il achèta des terres dans notre région. Il chargea le notaire de Lapalud, son ami Gauttier, de procéder à toutes les acquisitions qu’il jugeait intéressantes.

Louis Joseph Victor Jullien

Les minutes notariales qu’il est encore possible de consulter permettent de reconstituer quelques unes de ces opérations.


Louis Joseph Victor Jullien ne craignit pas de se rendre acquéreur de biens nationaux, anciennes propriétés de l’Église. Il y eut une importante transaction le 22 avril 1802 qui porta sur l’achat d’un domaine à Lapalud provenant des religieuses de Sainte Marie de Pont St Esprit. Les acquisitions se succèdèrent, d’année en année jusqu’en 1814.


De sa lointaine préfecture, par l’intermédiaire de son fondé de pouvoir, Louis Joseph Victor Jullien, passionné d’économie rurale, gèra avec vigilance ce patrimoine foncier toujours accru. Louis Joseph Victor Jullien, qui s’intéressait à l’élevage, possèda à Lapalud un important troupeau de moutons mérinos. Il entreprit de sélectionner des reproducteurs à partir de sujets de pure race importés d’Espagne et réputés pour la finesse de leur laine.

Après la déception des Cent-Jours où Louis Joseph Victor avait repris du service, il se retira définitivement en 1815 à La Palud où il acheta cette propriété qui deviendra Kerchène. Il gèra de très près ses exploitations agricoles. Sur cette propriété, il fit paître son troupeau de moutons auquel il tenait beaucoup.

Le chateau de Kerchêne

Il fit construire un petit château et en souvenir de la Bretagne, il l’appela Kerchène, la maison du chêne. («Ker» signifiant en breton «maison»).


En 1821, la construction dont le plan et l’architecture rappellent l’hôtel de la Préfecture de Vannes est achevée. Il y a des bâtiments de ferme importants et bien conçus (les Anciens de Lapalud l’ont entendu dire) Il y vécut avec son épouse, la fille de son ami Maître Gauttier qu’il épousa en 1805. Mais il n’eut pas d’enfants, alors il rassembla près de lui les neveux et les nièces qui remplacèrent les enfants qu’il n’eut pu avoir. Son frère Frédéric vint le rejoindre à son tour.


Louis Joseph Victor y mena une vie de «Gentilhomme campagnard».

Sentant venir sa fin, Louis Joseph Victor prit des dispositions extrêmement précises. Il rédigea un long testament où il n’oublia aucun des siens mais où il fit l’inégale répartition de ses biens selon des critères qu’il avait lui-même déterminés. Il cèda la jouissance de la maison familiale du Portalet aux Brézun (sa soeur, son beau-frère et ses neveux et nièces).

Le général Jullien mourut à Kerchène le 19 mai 1939. Il fut inhumé dans le parc du château. A la vente du domaine ses restes furent trans¬portés au cimetière dans le caveau de famille De Brézun. Le monument qui avait été érigé sur sa tombe fut également déplacé. On peut y lire cette simple inscription :


«Ci gît le général comte Jullien»

La propriété vendue à la famille Barbe

Le chateau de Kerchêne

Les descendants de la famille De Brézun vendirent la propriété vers 1900 à la famille Barbe dont un membre avait fait fortune en étant maquignon sur Marseille. C’était un beau domaine agricole. L’exploitation en est confiée durant certaines périodes à des gérants conforméments à des baux juridiques précis. Cette famille Barbe se fit appeler «Barbe de Kerchène»


Dans les années 40, il était encore habité par M. Jérôme Barbe, professeur. Il enseignait à 3 ou 4 élèves chez lui.

Dans les années 55, les murs de la clôture étaient par endroit écroulés. On y ramassait des violettes.

Construction du Parc des Cantarelles sur le domaine

Dans les années 60, le château fut vendu aux enchères à la bougie à deux SCI (Société Civile Immobilière) car un des descendants de la famille Barbe, incapable de s’assumer avait dilapidé la fortune familiale. Celles-ci entreprirent la construction de lotissements au parc des Cantarelles


En 1978, l’ADAPEI de Vaucluse pour le secteur de Bollène, par l’intermédiaire de M. Chomel, acheta ce qui restait du Domaine de Kerchène, c’est-à-dire le Parc actuel pour fonder un établissement indiférencié de travail et d’accueil. D’importants travaux d’aménagement et d’extension furent réalisés . Le château est maintenant la propriété de l’ADAPEI

Quelques évènements ayant eu lieu au château

Visite d’un poète défenseur du félibrige Louis Le Cardonnel

Un arbre centenaire à Kerchêne

Louis Le Cardonnel, poète Avignonnais venait se recueillir sous ce chêne séculaire (cité précédemment). En son souvenir, dans le parc du château, une grande plaque fixée au chêne mentionnait: «C’est à l’ombre de ces chênes que Louis Le Cardonnel venait chaque année, quittant le chêne symbolique du Roure, abriter sa méditation fervente.»


Louis Le Cardonnel (1862-1936) est un poète né à Valence, abbé (nom de religion Frère Anselme). Son inspiration lui est venue lors d’un séjour à Assise en Italie. Sur ses vieux jours, il fut recueilli au Palais du Roure, en Avignon, par sa compatriote valentinoise Jeanne de Flandresy, écrivain, érudite et ardent défenseur, avec le marquis Folco de Baroncelli, de l’univers félibrige. Il y vécut sereinement ses dernières années, y rencontrant tout ce que la Provence comptait alors de célébrités.

Le crime de Kerchène

Remy Danvers, valet de ferme des époux Donat, régisseurs qui entretenaient le château de Kerchène, les tua le 1er février 1908. Ayant appris que les époux Donat avaient réuni une petite somme, il tua d’abord le mari d’un coup de fusil. Puis malgré les supplications de la femme, il la tua également. Il empaqueta les cadavres dans une toile d’emballage et il les porta au Rhône pour les jeter lorsqu’il fut surpris et arrêté par le maire, M. Girardon, et des voisins. Il fut condamné le 29 juillet à la peine capitale.


Remy Danvers a été le dernier guillotiné du Vaucluse. A l’âge de vingt-deux ans, ce fils de forçat avait déjà subi onze condamnations et était déserteur des bataillons d’Afrique

Un hôpital militaire en 1914

Le château en 1914-1915

Comme de nombreux châteaux de France ou de grandes maisons bourgeoises, Kerchène fut transformé en établissement pour convalescents militaires.

De la Terre de Lapalud à Gergovie

(relaté par M. Paul Jeannin-Naltet, descendant de la famille Brézun)

«C’est dans la cour de sa maison qu’est prélevée la motte de terre qui, mélangée à celle de toutes les communes de France, fut déposée à Gergovie, le 30 août 1942.»

En effet : «En 1940 le régime de Vichy, dirigé par Pétain veut « révolutionner » la société française avec la Légion française des combattants. Pour ses festivités de second anniversaire, le 30 août 1942 à Gergovie, la Légion invite les délégués des diverses provinces et des colonies à déposer les terres recueillies dans toute la France métropolitaine et dans les colonies. Le maréchal Pétain scelle la crypte qui les abrite»