La gare

Vue de la gare

C’est sous le règne de Napoléon III que le développement du réseau ferroviaire français connaît son apogée. Le tracé Paris-Lyon est achevé en 1851, et atteint Avignon en 1856. C’est cette même année que Napoléon III emprunte pour la première fois la ligne Paris-Lyon-Marseille, ce qui lui vaudra son titre  » d’artère impériale « , et s’arrête dans la gare de notre petit village, en proie aux caprices du Rhône. Il offre alors une bourse d’or aux autorités municipales, visant notamment, à la reconstruction des cent cinquante maisons détruites…

Si la création de la ligne PLM (Paris-Lyon-Marseille) est un grand progrès au niveau national, elle correspond également à une période de déclin de Lapalud, village dont la prospérité reposait en grande partie sur le passage de voyageurs français et étrangers. La création de la ligne de chemin de fer enlève alors une grande partie de la clientèle des diligences et diminue le transport de marchandises par la route. La ligne est exploitée par la société le  » PLM « , privée avant d’être intégrée à la compagnie nationale, la SNCF, lors de sa création en 1938.

C’est par la voie qu’arrivent de nombreux colis destinés aux commerçants du village, tout comme le courrier, comme s’en souvient M. Mirabel , qui habitait à proximité de la gare : «  Et après, dans les années 30, il s’est fait un quai pour les marchandises. Il y avait une voie de garage, une voie de desserte. Tous les jours, il passait un train à Lapalud, qu’on appelait  » La Bricole « . C’était un train qui livrait les colis à Lapalud, pour les commerçants. Et il y avait un monsieur qui venait tous les matins à la gare avec son cheval et sa charrette, et il livrait les colis aux commerçants « .

Vue de la gare

La voie ferrée permet également aux Lapalutiens d’exporter leurs marchandises, que ce soit leurs fameux balais entreposés dans un hangar construit pour l’occasion, ou les produits agricoles comme les fraises ou le raisin. Mais c’est la betterave à sucre qui suscite le plus d’activités, avec notamment, la présence d’un pont à bascule, propriété de la sucrerie d’Orange :  » Ils avaient fait cette voie de garage, cette deuxième voie, pour que les agriculteurs apportent les betteraves à sucre, car il y en avait beaucoup. C’était cultivé dans les campagnes et destiné à la sucrerie d’Orange. Et il y avait un pont à bascule à la gare, qui appartenait à la sucrerie. Pendant la saison, il y avait toutes les charrettes, qui venaient décharger les betteraves. Elles venaient de Lapalud mais aussi de tout le nord de Bollène. Je m’en rappelle, quand j’allais à l’école, à la période d’octobre ou novembre, la file de charrettes qui patientait pour décharger ! « .

Mais la gare conserve bien évidemment son activité principale, qui est le transport de voyageurs. Avec quatre trains par jour, la gare de Lapalud connaît une certaine affluence, notamment les jours de marchés à Pierrelatte. Mais le voyageur le plus prestigieux sera Vincent Auriol, qui descend à Lapalud en 1952, pour l’inauguration du canal de Donzère-Mondragon :  » Mais là où la gare a pris de l’importance, c’est quand ils ont fait le canal. Pour le canal de Donzère-Mondragon, tous les matériaux arrivaient en gare de Lapalud. […] Je me rappelle le jour où Auriol est venu, la gare avait été astiquée ! Tous les employés astiquaient le cuivre des rampes des escaliers !! « .

Vue de la gare

A cette période, la gare emploie plusieurs personnes. Sous la responsabilité du chef de gare, qui loge au premier étage, une  » brigade de poseurs  » est occupée à  » réparer et nettoyer les abords de voies « , lorsque les épouses sont  » gardes-barrière des cinq ou six passages à niveau du village « . Les couples sont ainsi logés dans des maisonnettes, où la vie est rythmée par la sonnette annonçant l’arrivée d’un train, et indiquant alors à l’épouse d’aller actionner le treuil abaissant les barrières. Un seul passage à niveau est ouvert la nuit, près de la gare, garantissant l’accès à la route de Bollène. C’est dans ces années 1950 que commence à circuler le premier train rapide,  » Le Mistral « , qui relie Paris à Marseille en un peu plus de huit heures.

Vue de la gare

Dans les années 1970, l’électrification des lignes réduit le temps de parcours : Marseille est à six heures de Paris. Mais le développement de l’automobile a déjà fortement affecté la fréquentation de la gare de Lapalud, qui ferme ses portes après le dernier arrêt de voyageurs dans les années 1980. Elle sera détruite en 1989 et tournera une page sur l’histoire locale lapalutienne, comme l’image des hommes en costume du dimanche et des femmes, ombrelle à la main, venant admirer le passage du train : «  Au début du siècle, c’était la promenade du dimanche. Ma grand-mère me le disait, le dimanche, c’était la sortie, ils venaient voir passer les trains !« .