L’Histoire du balai

Le début

BalaisLa culture du sorgho remplace celle de la garance et de la vigne et l’élevage du ver à soie
Autrefois, Lapalud était couvert de forêts de mûriers et on cultivait la garance pour teindre les vêtements en rouge, mais la garance est remplacée par un produit chimique et la soie est remplacée par une fibre textile artificielle. La vigne, quant à elle, est décimée par le phylloxéra.

Il y a environ une centaine d’années, commença la grande aventure du balai. Un habitant rapporta de Caderousse, quelques centaines de graines de sorgho qu’il planta dans sa propriété.

Lapalud se met alors à cultiver le sorgho qui pousse bien dans la plaine car il a besoin de beaucoup d’humidité. Une paille spéciale, particulièrement souple, fut récoltée.

Aux coins des âtres, les familles se mirent à la façonner. Lapalud petit à petit se fit un nom et une renommée, grâce à ses balais. Puis, avec de nombreuses commandes, vint la prospérité.

Dans les années 1920, il y a quatre établissements qui fabriquent des balais, on en compte une dizaine à la Libération. Sur le cours des Platanes s’installèrent des étalages multicolores, après qu’un lapalutien, Maurice Deslias qui s’intitule l’inventeur du balai en couleurs eût converti des milliers de balais, brosses et plumeaux en agréables billets de banque.

Le succès et les bouchons

Les vacanciers sur la route du soleil achetaient un balai, une brosse, un plumeau auprès d’un des quelques trente vendeurs installés le long de l’avenue des platanes, dans une symphonie de couleurs.

«Ca a commencé par des plumeaux et des balais multicolores. Et après, il y a eu des paniers, des cache-pots, de tout !».

Environ 1000 balais sortaient chaque jour des fabriques Gilles-Père, Daudel, Roustan ou Marre. L’effervescence est telle que «l’été, pour traverser Lapalud, vous mettiez vingt minutes ! C’était tout bouché.»

Personnalités célèbres

Plusieurs personnes célèbres de l’époque se sont arrêtées pour acheter des balais. Henri Court a vu sur son stand Roger Lanzac, Luis Mariano, Josette Lemaire, Jean Nohain, Kader Firoud (entraîneur de l’équipe de France de foot)…

Pierre Gilles a aperçu Joséphine Baker, Fernand Reynaud, le Général de Gaulle, Winston Churchill, Fernandel. Brigitte Bardot est passée dans Lapalud assise sur le capot d’une voiture mais elle ne s’est pas arrêtée.

Mais derrière ce pactole en paille qui a permis à Lapalud de se muer en terroir heureux, se sont dessinées les menaces du mauvais sort.

On a volé la Nationale 7

La Nationale 7, à Lapalud, avait l’importance de la Seine à Paris. Il s’agissait de la voie royale du commerce, de la richesse.

Pour des raisons techniques , les Ponts et Chaussées l’ont déviée et elle contourna l’agglomération, du côté ouest. La Nationale 7 perdue, Lapalud est revenue au sommeil de la Belle au Bois Dormant.

Adieu, balais, plumeaux, brosses, paniers… Les touristes filèrent sur la route, sans ralentir, aux feux d’artifice des balais.

 

Concurrence de la bassine des Indes

Les balais de Lapalud

Une dizaine de petites usines et ateliers d’artisans, livraient environ 400 000 balais par an, dans toute la France et même en Suisse et en Belgique.

Dans ce domaine également est apparue une crise profonde : la production générale de Lapalud, a diminué de moitié.

Parmi les causes de cette baisse, il y a eu le vers dévoreur de la paille, mais aussi la concurrence qui utilise de plus en plus, un produit au prix de revient peu coûteux la bassine des Indes.

Figurent encore parmi les ennemis de la production, pour les balais en paille l’aspirateur et les impôts.

Chez Lucien Daudel, chez Court, chez Jean Marre, Boyer, Robert Gilles, Danton Verchère les machines se sont arrêtées de tourner peu à peu.

Aujourd’hui, sauvée de la disparition

Exposition de balais en 1975

Le balai artisanal survit difficilement à cause de la rude concurrence étrangère. A Lapalud, la société Gilles-Kerchêne perpétue cependant la tradition avec ses fameux « balais bruyère » de cantonnier et autres « balais bassine » ou en paille jaune de millet.

En 1968, la société Gilles-frères regroupe le trois dernières entreprises locales Gilles-père, Jean Marre et Lucien Daudel. Mais d’année en année, la situation empire jusqu’à ce que l’API de Kerchêne rachète Gilles-frères, la sauvant ainsi de la disparition.

Quatre emplois sur Lapalud étaient menacés. Le CAT a pensé pouvoir faire quelque chose avec ses ouvriers handicapés.

Ainsi naissent deux structures complémentaires. La première est un EURL appelée Gilles-Kerchêne réunis qui exploite le balai mille et emploie quatre personnes et fabrique environ 150 balais par jour.

Là où il en sortait plus de 1000 dans les années fastes.

Il n’y a pas grand chose à faire, car le balais des pays de l’Est entrent en France à 6 francs l’unité tandis qu’ici, même si la qualité est très supérieure, le prix de revient est de l’ordre de 25 francs. On ne peut pas lutter…

La seconde structure est un atelier dépendant directement du CAT et employant 7 adultes handicapés. Ils trient manuellement les bruyères à partir des fagots, les assemblent, les lient mécaniquement avec des fils de fer doublés ou triplés : ce sont les fameux balais bruyère de cantonnier (les balais de sorcière) et les balais bassine de couleur noire, aux fibres denses et souples. A plein régime 5 000 balais pourraient sortir chaque mois de l’atelier en fonction de la demande.

Le balai artisanal de Lapalud continue à être considéré comme une spécialité du terroir.